
Miscouche, Île-du-Prince-Édouard
les 14 et 15 août 1884
Au terme de la Convention de Memramcook, en 1881, il fut décidé que la deuxième Convention nationale aurait lieu à l’Île-du-Prince-Édouard. Un tel choix fut sans doute motivé par la bonne et impressionnante participation des insulaires à l’événement de Memramcook.
La paroisse de Miscouche fut choisie comme site de la Convention surtout parce qu’elle n’était située qu’à une courte distance de Summerside et qu’elle était facilement accessible par train. Summerside était en ce temps-là reliée à la terre ferme par un bateau à vapeur qui faisait régulièrement la traversée depuis Pointe-du-Chêne, près de Shédiac. C’est donc en cette ville, sise sur la baie de Bédèque, que débarqueraient la plupart des délégués en provenance de l’extérieur de l’Île.
Miscouche était à l’époque une paroisse acadienne assez prospère. D’abord connue sous le nom de la Belle-Alliance, cette paroisse avait été fondée en 1817 par un groupe d’Acadiens de la Rivière-Platte, située à peu de distance de Miscouche sur le littoral de la baie de Malpèque. À cet endroit, ils étaient locataires du Colonel Harry Compton, le propriétaire du Lot 17. Des relations difficiles se développèrent entre les Acadiens et leur propriétaire, ainsi qu’avec leurs voisins anglais, de sorte que la plupart quittèrent la Rivière-Platte à compter de 1812 pour aller s’établir ailleurs dans le comté de Prince. Les derniers à quitter l’endroit profitèrent d’une offre du Colonel Compton et achetèrent, en 1816, 6,000 acres de terres non défrichées pour la somme de 625 livres. Ils nommèrent d’abord ce site Belle-Alliance et ce possiblement afin de souligner l’heureuse entente conclue avec le propriétaire Compton par laquelle ils étaient devenus propriétaires fonciers.
En 1823, les pionniers de l’endroit construisent une église qu’ils dédient à Saint-Jean Baptiste. Ils construisent aussi une école. L’éducation s’améliora beaucoup lorsque l’abbé Joseph Quevillon fit bâtir, en 1864, un couvent qu’il plaça sous la direction des religieuses enseignantes de la Congrégation Notre-Dame de Montréal. Cette maison d’éducation bilingue contribua grandement à l’avancement et à la prospérité de la région. Cette institution devint en quelque sorte un symbole du réveil acadien qui commençait à se faire sentir au cours des années 1860. Enfin, l’ouverture d’une gare de chemin de fer, vers 1872, signala une ère nouvelle pour la localité.
En se basant sur le recensement du diocèse de Charlottetown pour l’année 1890, il est possible d’établir, dans une certaine mesure, ce que pouvait être la population de cette paroisse six ans auparavant. En 1890, la population catholique de la paroisse comprenait 820 habitants dont 83% étaient d’origine acadienne et 17% d’origine britannique. Parmi les familles acadiennes, il y avait 43 Gaudet, 32 DesRoches, 26 Poirier, 10 Arsenault, 6 Gallant, 4 LeClerc, 2 Richard, 1 Doucette, 1 LeBlanc, 1 Bourque et 1 Boudreault. Chez les familles anglophones, la plupart d’origine écossaise, il y avait les MacNeill, Gillis, Steele, Cunningham, Woods, Beairsto et Heckman.
Les Acadiens de Miscouche s’adonnaient surtout à l’agriculture. Le recensement dénombrait 82 fermiers. On trouvait également chez la population acadienne toute une variété d’occupations à savoir: 30 ouvriers, 5 marchands, 4 servantes, 4 commis, 3 enseignants, 3 mécaniciens, 2 enseignants de musique, 2 couturières, 2 cordonniers, 1 meunier, 1 tailleur, 1 plâtrier, 1 maître de gare, 1 garde-malade, 1 fabriquant de cure-dents, 1 connétable, 1 locataire et 1 cuisinière.
Cette communauté acadienne semble avoir été assez dynamique à l’époque selon un article intitulé “Le progrès de Miscouche” paru dans le Moniteur Acadien, le 1er juin 1876. Entre autres, on y mentionne une société de discussion mise sur pied par le Père Ronald McDonald, curé de la paroisse. Composés presqu’exclusivement de cultivateurs, les membres de cette société se rencontraient régulièrement afin de discuter de l’avancement de l’agriculture et “des moyens les plus propres à relever le niveau de cette noble profession.” Cette association avait aussi à sa disposition une salle spacieuse, une bibliothèque, une chambre de lecture où ses membres pouvaient aller tous les jours lire les journaux de l’Île, les meilleurs journaux du Canada et des États-Unis, etc. De temps à autre, on y tenait des séances où on discutait de sujets d’actualité.
En 1884, année de la Convention nationale acadienne, les principaux chefs de file acadiens de l’endroit étaient Gilbert Desroches, H.-V. Desroches, Jean-S. Gaudet et Joseph Poirier (“Joe Bellone”), tous marchands et exportateurs d’huîtres; Prosper Desroches, tailleur; et l’abbé Nazaire Boudreault, curé de la paroisse. Ce dernier était originaire des îles de la Madeleine.
À l’époque de la Convention, selon plusieurs témoignages, l’anglais se parlait déjà dans certaines familles acadiennes de Miscouche. La minorité anglophone dans la paroisse avait beaucoup d’influence car les activités publiques se déroulaient surtout en anglais. Ce courant d’anglicisation se faisait aussi sentir à l’époque dans plusieurs autres communautés acadiennes de l’Île et des Provinces Maritimes. Réunis à Miscouche, une paroisse acadienne si visiblement menacée par l’assimilation, les chefs acadiens d’alors adoptèrent diverses résolutions visant à enrayer cette marée anglicisante et à assurer ainsi la survie culturelle de leur peuple.
Voici comment le Summerside Journal décrivait le village de Miscouche en 1884: “Ce beau village de campagne est présentement dans un état prospère et florissant. Nos marchands ont été excessivement occupés au cours de l’automne. Quelques-uns ont été impliqués dans le commerce des produits agricoles, payant comptant les plus hauts prix pour les pommes de terre, l’avoine, etc. D’autres marchands ont fait le commerce des huîtres, et certains autres le commerce des oeufs. À part des commerçants, nous avons toute une gamme de mécaniciens, de carrossiers, de forgerons, de tailleurs, de cordonniers, de charpentiers, de menuisiers, de tonneliers, de bouchers, etc.”
Manifeste du Président
Messieurs,-
Tout indique notre 2me convention nationale, convoquée à Miscouche pour le 15 du présent mois, doit être couronnée de succès. Nos compatriotes partout s’empressent de répondre à l’appel qui leur est fait.
Nous espérons qu’à cette réunion de famille nous pourrons resserrer les liens qui nous unissent, aviser aux moyens à prendre pour avancer avec plus de succès encore dans la voie du progrès, apprendre à nous mieux connaître et à mieux apprécier la mission à laquelle nous a destinés la Providence.
Nous avons à coeur, en convoquant cette réunion, de travailler à l’amélioration de notre condition sociale et politique et à tout ce qui peut rendre meilleur notre état comme peuple. Les questions d’éducation, de colonisation, de commerce, etc., y seront traitées.
Nous vous invitons donc à vous rendre à Miscouche pour le 15 en aussi grand nombre que possible.
Efforçons-nous, surtout, par notre bonne conduite, notre assiduité au travail qui nous y attend, notre déférence pour les opinions d’autrui, et par notre union patriotique, de mériter l’approbation de nos supérieurs ecclésiastiques, l’estime de nos semblables, le respect de nos concitoyens d’origine différente, et la bénédiction du ciel.
Que nous nous amuserons, j’en suis certain, que nos labeurs auront pour résultat l’avancement de notre intérêt général, j’ose l’espérer et offrir des voeux pour la réalisation de cette attente et pour notre plus grand bien.
Veuillez me croire votre serviteur dévoué,
5 août 1884 P.A. Landry, Président.
(Le Moniteur Acadien, le 7 août 1884)
Programme
Les officiers de la seconde convention générale, choisis à Memramcook à la Convention générale de 1881, sont :
Hon. P.A. Landry, Président, G.A. Girouard, Secrétaire, Hon. Jos. O. Arsenault, Hon. S.F. Poirier, Urbain Johnson, Pascal Poirier, J.C. Doiron, J.J. Arsenault, M. Robichaud, Urbain Doucet, M. Benoit, F.X. Vautour, Dr E.T. Gaudet, Dr J.A. Léger, N.A. Landry, A.D. Richard, Dr L.N. Bourque, Dr F. Gaudet, Dr A.P. Landry, Onés. Turgeon, Evariste LeBlanc, Dr Gallant, Ferdinand Robidoux, Gilbert Buote.
La convention sera tenue à Miscouche, Île-du-Prince-Édouard, le 15 août 1884. Tous les Acadiens et descendants d’Acadiens, nommément ceux de l’Île-du-Prince-Édouard, de la Nouvelle-Écosse et du Cap Breton, du Nouveau-Brunswick, des Îles de la Madeleine, de la province de Québec et de l’État du Maine, sont de droit membres de la convention.
Les travaux préparatoires sont confiés à cinq commissions, lesquelles feront rapport à la convention générale.
Sont de droit membres de ces commissions, tous les prêtes acadiens et canadiens des provinces maritimes et des Îles de la Madeleine, tout prêtre, à quelque nationalité qu’il appartienne, desservant dans les provinces maritimes, l’État du Maine, et la province de Québec, une paroisse composée en tout ou en partie d’Acadiens; tout sénateur et conseiller législatif acadien; tout député et ex-député acadien aux Chambres des Communes ou à la législature de sa province; cinq délégués nommés à cette fin par chaque paroisse acadienne des provinces maritimes, des îles de la Madeleine, de l’État du Maine, de la province de Québec, et toute personne spécialement invitée par le conseil des officiers généraux.
Les commissions, sous la présidence de leurs rapporteurs, se réuniront à Miscouche mercredi après-midi et jeudi, les 13 et 14 d’août, afin d’être prêtes à faire leur rapport le 15.
1e COMMISSION
LA COLONISATION
M. l’abbé Joseph Ouellet, Saint-Marie, N.B., rapporteur; l’Hon. S.F. Perry, Tignish, Î.P.É., secrétaire.
2e COMMISSION
LANGUE ET ÉDUCATION FRANÇAISE
M. Palcal Poirier, Ottawa, rapporteur; M. Blanchard, avocat, Î.P.É., secrétaire.
3e COMMISSION
DRAPEAU ET CHANT NATIONAL
M. l’abbé S. Doucet, Tracadie, N.B., rapporteur; le Révd. Père André Cormier, Memramcook, N.B., secrétaire.
4e COMMISSION
AGRICULTURE
M. l’abbé M.F. Richard, N.B., rapporteur; l’hon. J.O. Arsenault, Î.P.É., secrétaire.
5e COMMISSION
COMMERCE ET INDUSTRIE
M. Robicheau, M.P.P., N.E., rapporteur; M. Gilbert Desroches, Î.P.É., secrétaire.
Toute paroisse ou mission acadienne des provinces maritimes, de l’État du Maine et des îles de la Madeleine, devra élire cinq délégués, lesquels sont priés de se réunir à l’Île du Prince-Édouard le 13 du mois d’août dans l’après-midi. Cette élection des cinq délégués se fera, s’il est possible, le troisième dimanche du mois de juin, à l’issue de l’office divin – messe ou vêpres. M. le curé, ou, à son défaut, messieurs les marguilliers et syndics, sont priés de prendre l’initiative de l’élection des délégués de leur paroisse ou mission.
Les délégués devront sans retard faire un rapport écrit de leur élection signé par M. le curé ou par trois syndics ou marguilliers, adressé à M.G.A. Girouard, Bouctouche, Kent, secrétaire général de la convention.
(Le Moniteur acadien, le 31 juillet 1884)
Les préparatifs
“De Miscouche nous apprenons de source autorisée que la paroisse se prépare avec un élan magnifique et une harmonie parfaite à faire les frais de la cérémonie et de la réception.
Il y aura tea party le 14 et et 15 et comme les dames de Miscouche et leurs maris ont déjà fait leurs preuves en pareilles occasions, les visiteurs assisteront à un pique-nique digne du nom.
M. le curé Boudreau préside aux préparatifs, c’est dire que tout sera fait à point.
M. le curé a bien voulu se charger aussi d’organiser la cérémonie religieuse par laquelle s’ouvrira la Convention dans la matinée du 15 août. Il y aura messe solennelle et sermon de circonstance. La religion occupe toujours la première place dans nos jours de fête, aujourd’hui comme aux premiers temps de l’Acadie.”
(Le Moniteur Acadien, le 31 juillet 1884)
Le transport des participants
“L’endroit choisi pour tenir la convention (Miscouche) est l’un des plus pittoresques et des plus agréablement situés de l’Île Saint-Jean; il n’est qu’à cinq milles à l’ouest de Summerside et l’on s’y rend en chemin de fer, des deux extrémités de l’Île. De Shédiac la traversée à Summerside dure à peine trois heures.
Enfin les conditions avantageuses obtenues, par l’honorable M. Landry, président de la convention, des voies ferrées et des bateaux traversiers pour le passage de ceux qui assisteront à la convention, mettent le voyage à la portée de toutes les bourses, et nous serons bien déçus si nos nationaux de la grand’terre ne vont en grand nombre rendre à leurs frères insulaires la visite qu’ils en ont reçue en 1881.”
(Le Moniteur Acadien, le 31 juillet 1884)
“Tous ceux qui peuvent le faire doivent se rendre à Miscouche pour le 15 août. C’est un devoir sacré que tout Acadien se doit à lui même et à sa patrie. Grâce aux favorables conditions de passage obtenues par le président de la convention en faveur de ceux qui s’y rendront, on n’a pas d’excuse pour rester en arrière.
Des rives du comté de Kent, des paroisses du Barachois et du Cap Pelé, et du Petit Cap, on peut facilement se rendre à Miscouche dans les embarcations que presque chacun de nos habitants possède. Un grand nombre s’y rendront sans doute par ce moyen.”
(Le Moniteur Acadien, le 7 août 1884)
Excursion à bon marché
“Ainsi que nous l’avons dit la semaine dernière, il y a, à l’occasion de la convention de Miscouche, excursion sur le chemin de fer de l’Île, l’Intercolonial et les bateaux à vapeur.
L’Intercolonial et le chemin de fer de l’Île émettront à toutes leurs stations des billets d’excursion à bon marché à partir du 13 août, lesquels seront bons pour le retour jusqu’au 18.
La compagnie des vapeurs de l’Île donnera pour $1.00 des billets de retour à tous ceux qui iront à la convention, et qui seront munis d’un certificat constatant la chose. Ce certificat sera donné à bord du bateau soit par M. le président de la convention soit par son délégué, pendant la traversée, le 13 et le 14.
Les excursionnistes qui s’embarqueront aux stations de l’Intercolonial devront demander à l’agent des billets d’excursion en spécifiant qu’ils se rendent à la convention de Miscouche. Ces billets toutefois ne comprendront que le passage de la station de départ à la station de la Pointe-du-Chêne, attendu qu’il faudra acheter ses billets de traversée à bord des bateaux à vapeur qui nous transportent à Summerside.”
(Le Moniteur Acadien, le 7 août 1884)
Fanfare
“Ainsi que nous l’anticipions, un bon nombre de délégués et autres se sont rendus ou vont se rendre à Miscouche en goëlette. Il en est parti quarante de Richibouctou, mardi, par cette voie, et de Bouctouche on s’est organisé pareillement.
Hier, un bon nombre de nos compatriotes ont traversé par le vapeur.
Grâce à l’énergie de M. Sylvère Arsenault, qui a pu rassembler une dizaine de membres du corps de musique du Collège Saint-Joseph, on aura le plaisir d’entendre cette fanfare à la convention. Les musiciens, ayant à leur tête le R.P. Bourque, leur directeur, se sont embarqués hier.”
(Le Moniteur Acadien, le 14 août 1884)
L’arrivée des délégués
“Les délégués à la Convention des Acadiens-français qui débute à Miscouche aujourd’hui et qui se termine demain sont arrivés à Summerside hier soir accompagnés d’une fanfare. Le surintendant Coleman qui se trouvait à ce moment-là à Summerside a mis un train spécial à leur disposition et ils furent ainsi capables de se rendre à Miscouche dans la soirée. Les délégués viennent de toutes les régions du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse et du Cap-Breton.”
(The Examiner, le 14 août 1884, Traduction)
Compte rendu des activités
“Plus de la moitié des délégués s’étaient rendus à Miscouche pour le 14 afin de prendre part aux travaux des commissions, lesquelles, toutefois, n’ont pu, excepté celle de la langue et de l’éducation françaises, accomplir leur oeuvre que dans la soirée. Les commissions ont siégé dans les salles du couvent de Miscouche, généreusement mises à la disposition de la convention par les Religieuses de la Congrégation de Notre-Dame.
Disons de suite que les mesures prises par M. le curé de Miscouche et ses paroissiens pour recevoir les gens ne laissaient rien à désirer. Franche hospitalité, accueil cordial, prévenance empressée, on se sentait à l’aise partout.
À l’arrivée du vapeur à Summerside mercredi et jeudi, des convois spéciaux transportaient les passagers à Miscouche, où l’on arrivait à temps pour prendre le souper sous les tentes érigées à peu près à mi-chemin entre la gare et l’église; le service des tables était très bien organisé, et les dames méritent des éloges pour le succès avec lequel elles ont rempli leur tâche.
De fréquentes averses ont interrompu le pique-nique qui a eu lieu le 14, et l’on avait lieu de craindre pour le succès du lendemain. Ces craintes ne se réalisèrent point, car jamais soleil plus radieux n’a lui sur un jour de fête.
Aussi, dès sept heures du matin, les abords de l’église étaient-ils déjà remplis d’une foule immense, en habits de fête, le sourire sur les lèvres, la figure rayonnante, le regard animé. Le temple de la paroisse allait être trop petit pour contenir la dixième partie de la multitude. Un autel fut érigé à la porte de l’église sous un dais de verdure, et les Religieuses du couvent se chargèrent d’exécuter les décors.
Un espace suffisant fut réservé en face de l’autel pour les membres du clergé présents, les membres du comité exécutif et les délégués, les membres du corps de musique et le choeur paroissial.
(…)
De quatre à cinq mille personnes se pressaient sur le carré de l’église lorsque commença, à neuf heures et demi, le Saint Sacrifice de la messe, offert par le doyen des prêtres acadiens, M. l’abbé Charles Boudreault, des Îles Madeleine…
Le choeur de Miscouche, composé d’environ vingt voix – hommes et femmes – exécuta à perfection une messe en musique celle de Peters – sous la direction d’une Religieuse du couvent, aidée de Mlle Léonore Bourque, qui présidait à l’orgue. À l’offertoire, le choeur chanta l’Ave Marie de Lambillotte. Le corps de musique du collège St-Joseph fit entendre plusieurs morceaux appropriés à la circonstance.
Après la messe, le Révd Père A.-D. Cormier, du Collège Saint-Joseph, prononça le sermon de circonstance. Prenant pour texte ces paroles: Beatus populus cujus Dominus Deus ejus, le prédicateur – invité à la dernière heure – n’eut qu’à laisser parler son coeur pour être éloquent.
(…)
Après la messe on se sépara pour le dîner. À une heure, du haut d’une estrade préparée spécialement à cette fin, le président ouvrit les travaux de la convention dans un admirable discours qui frappa tous les esprits par la justesse de ses observations.
La convention à dû siéger le soir, dans la salle du couvent, pour élire les officiers du prochain congrès, qu’il a été décidé de tenir à la Nouvelle-Écosse. L’hon. M. Landry a été réélu président à l’unanimité; l’hon. Isidore LeBlanc, d’Arichat, et M. Urbain Doucet, de la Rivière Météghan, ont été choisis pour vice-présidents, et M. Pascal Poirier pour secrétaire.”
(Le Moniteur Acadien, le 21 août 1884)
Les résolutions de la Convention
Les délégués réunis en sessions d’études à Miscouche, en 1884, ont tenté de trouver des solutions aux nombreux obstacles qui entravaient la survie et le développement de leur peuple en tant qu’entité culturelle. Ils se sont d’abord rencontrés en divers ateliers pendant la soirée du 13 août et au cours de la journée et de la soirée du 14. Leurs résolutions furent ensuite présentées en plénière au cours de l’après-midi du 15 où elles furent adoptées par l’ensemble des membres de la Convention.
Les premières résolutions étudiées et adoptées concernaient la colonisation et le problème de l’émigration des Acadiens vers les centres urbains et industriels des États-Unis. Résoudre cette question était la principale préoccupation des chefs acadiens. En effet, ceux-ci considéraient cette migration comme une menace sérieuse à la survivance de leur peuple. Elle mettait en cause le maintien de la langue française, des traditions acadiennes et même, croyait-on, de leur foi catholique. Des résolutions furent donc formulées afin d’enrayer le mouvement d’émigration vers les États-Unis en encourageant les jeunes Acadiens à aller s’établir du côté des terres vacantes du Nouveau-Brunswick. Ainsi, on donna un nouvel élan à la Société de Colonisation, fondée lors de la première Convention, en élisant le dynamique Père Marcel-François Richard à la présidence.
Le second groupe de résolution se rattachaient à la langue et à l’éducation française. Celles-ci concernaient surtout les Acadiens de l’Île. On adopta en effet des recommandations adressées au gouvernement insulaire. Elles demandaient que l’enseignement de la langue française, dans les districts scolaires acadiens, soit mis sur le même pied que l’enseignement de la langue anglaise; que les professeurs reçoivent pour l’enseignement du français les mêmes rémunérations pécuniaires et les mêmes chances d’avancements que pour l’enseignement de l’anglais; et que l’inspection des écoles se fasse en français comme en anglais dans les localités françaises. Afin d’aider à promouvoir la langue, l’éducation et la culture française chez les Acadiens, La Ligue française fut mise sur pied. On formula le voeu que celle-ci soit affiliée à une société du même nom, récemment formée en France, et dont le but était la promotion de la langue et de la civilisation françaises dans le monde.
La Convention de Miscouche est surtout connue comme celle où les Acadiens se sont choisis un drapeau et un hymne national. Le choix de ces symboles fut effectivement l’objet des délibérations de la troisième commission. En plénière, toute l’assemblée ratifia sa principale résolution voulant que le tricolore français, avec une étoile jaune dans la partie bleue, soit adopté comme drapeau acadien. Les délégués ont aussi adopté l’air de l’Ave Maris Stella comme hymne national. Ils se sont également choisis à Miscouche un insigne et une devise, “l’Union fait la force.”
Les délégués ont accordé une grande importance à l’agriculture. Ils s’entendaient sur le fait que l’agriculture avait été et continuerait d’être la sauvegarde de la culture acadienne. Des résolutions demandaient donc aux Acadiens de porter une plus grande attention à améliorer leur mode de culture et d’éviter de diviser et de subdiviser leurs petites fermes. On conseillait aussi fortement à ceux obligés d’abandonner leurs terres, par la force des circonstances, de vendre à leurs compatriotes. Enfin, on proposait que des sociétés agricoles soient établies dans chaque paroisse acadienne.
Des résolutions qui visaient le commerce et l’industrie ont aussi été adoptées par les délégués. Nous ne connaissons toutefois pas la nature de ces dernières car elles n’ont pas été rapportées par la presse et tous les documents officiels de la Convention ont été perdus.